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La constipation due aux opioïdes

Docteur ! Depuis que vous me donnez de la morphine, je ne vais plus aux toilettes, mes selles sont dures, ça fait mal et j’ai le ventre gonflé. Expliquez-moi…

Les opioïdes (morphine et ses dérivés) sont des médicaments utilisés pour le traitement de la douleur. Cependant, ils induisent des effets indésirables notables : le plus fréquent étant la constipation.

Mais alors, pourquoi une substance qui soulage ma douleur m’empêche-t-elle aussi d’aller aux toilettes ?

La morphine (M) sur son récepteur

Les opioïdes comme la morphine se fixent sur des récepteurs spécifiques (appelés récepteurs opioïdergiques).

– Les récepteurs opioïdergiques centraux se situent dans le cerveau et dans la moelle épinière.
– Les récepteurs opioïdergiques périphériques se trouvent dans le reste du corps, notamment au niveau du tube       digestif.

 

Effet central
Lorsque les opioïdes se fixent sur leurs récepteurs au niveau du cerveau et de la moelle épinière, ils diminuent la sensation de douleur et induisent l’effet antalgique recherché par le traitement. Les opioïdes n’agissent donc pas (ou peu) là où se situe la douleur (au niveau de la plaie, de la prothèse ou de la tumeur par exemple).

Effet périphérique
En se fixant également au niveau du tractus gastro-intestinal, les opioïdes provoquent les effets indésirables au niveau digestif.

 

L’action des opioïdes sur les récepteurs centraux induit l’effet antalgique. Ces mêmes récepteurs au niveau périphérique induisent les effets indésirables digestifs.

D’accord, la morphine agit à la fois sur mon cerveau et sur mon tube digestif, mais pourquoi constipe-t-elle ?

La morphine et ses dérivés se fixent sur les récepteurs aux opioïdes présents dans l’ensemble du système digestif. Ces récepteurs sont particulièrement abondants au niveau du colon (gros intestin). Les opioïdes agissent sur les mouvements du colon et sur la réabsorption de liquide.

Le colon n’est pas un simple tube immobile et passif. Cet organe produit deux types de mouvements bien distincts. Tout d’abord, le colon brasse les aliments afin de terminer la digestion. Ensuite, il se contracte plus fortement afin de propulser le bol alimentaire vers le rectum.
– Les opioïdes stimulent les mouvements de brassage et cela retarde la progression des aliments le long du tube digestif.
– Les opioïdes réduisent les mouvements propulsifs servant à faire avancer les aliments.
– De plus, les opioïdes rendent les selles dures et sèches. Ils augmentent l’absorption de liquide dans le tractus gastro-intestinal. Cette diminution de liquide dans le tube digestif ”assèche” les selles.
En résumé, la morphine et ses dérivés ralentissent le transit de la nourriture et réduisent l’émission des selles.

À gauche : Transit normal du bol alimentaire à travers le colon.                                           À droite : Constipation due aux opioïdes.

Si j’ai bien compris, mes selles sont bloquées dans mon colon et sont toutes dures, mais alors comment puis-je améliorer mon transit ?

Lors d’un traitement aux opioïdes, la prévention est le meilleur moyen de lutter contre la constipation.

Des laxatifs spécifiques (comme le bisacodyl ou extrait de bourdaine combiné avec le lactulose ou lactitol ou macrogol) vous seront prescrits durant toute la durée du traitement. Ainsi, il est nécessaire de prendre quotidiennement le traitement laxatif même si votre transit fonctionne tout à fait normalement.
Comme le dit si bien l’adage populaire : « La main qui prescrit un opiacé, prescrit le laxatif ».
Boire suffisamment (1,5-2 litres par jour) et pratiquer une activité physique (dans la limite de vos possibilités) stimule votre transit et contribue à lutter contre la constipation.
Une alimentation riche en fruits et légumes est recommandée. Cependant, il est déconseillé de consommer des laxatifs sous forme de fibres ou de mucilages (comme le Plantin psyllium, son, graine de lin), qui combinés aux opioïdes, provoquent l’effet inverse et aggravent la constipation.

Mesures à adopter afin de prévenir une constipation due aux opioïdes.

Si malgré toutes ces mesures une constipation se développe, un traitement laxatif plus spécifique sera adapté à vos besoins par votre médecin.

Et vous connaissez-vous d’autres astuces pour lutter contre la constipation ? Partagez-les

Billet rédigé et illustré par Mme Marion Franzosi, étudiante en médecine
Billet relu par Prof. C. Luthy, Dre C. Cedraschi et Dre V. Piguet
Aucun conflit d’intérêt n’est rapporté par l’auteur et relecteurs.

Références

La morphine. Des réponses à vos questions. Réseau Douleur des HUG

Les selles et leur mystère. Planète Santé

Effets secondaires des opioïdes: agir contre la constipation tout au long du traitement. Institut National du Cancer

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Publié par Valérie Piguet

Médecin consultante dans les services de pharmacologie et toxicologie cliniques et de médecine interne de réadaptation des Hôpitaux Universitaires de Genève. Médecin au centre Jean-Violette du traitement de la douleur, Genève

22 commentaires

  1. Chère Docteure,

    Je recherchais une corrélation entre l’Aktiskenan, le Rivotril et la constipation violente.
    Grâce à votre article chose faite.
    Je vais retourner consulter, car il me semble que le moventig ne me convienne pas non plus.
    Merci à vous pour vos publications.

    Respectueusement.

    Mme P

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    1. Merci de votre témoignage.
      Vous prenez la meilleure décision en retournant voir votre médecin pour déterminer le traitement laxatif qui vous conviendra le mieux.

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  2. diabétique de type 1 , j’ai du prendre de la morphine pour une terrible hernie discale ( qui en plus frotte sur le nerf sciatique). au bout de 4 jours de prise, je me suis retrouvée complètement bloquée des intestins, étouffée beaucoup de gaz que je n’arrivais pas à expulser.( par le haut et par le bas) impossible de déglutir. j’ai bien cru mourir étouffée. on a du me faire un lavement. revenue de l’hôpital, j’ai arrêté spontanément la morphine. je sentais bien , qu’en plus d’augmenter ma glycémie, elle était responsable de mon état. merci pour cette article si riche et si simple à comprendre. ça soulage quelque part d’être comprise. hélas pas les médecins qui me soignent. ( je n’ai pas supporté l’opium ( izalgi) non plus. ne sais plus quoi faire pour ne plus souffrir, ni n’être constipée, ca semble etre un choix a faire. un choix terrible.

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    1. Bonjour
      Merci pour votre témoignage qui montre bien à quel point la constipation est un effet indésirable qui est loin d’être banal.
      Je me permet de rappeler qu’il y a des centres spécialisés dans la prise de la douleur où un traitement multimodal peut être discuté et mis en place avec chaque patient.
      L’adresse du site des différents centres en France http://www.aflar.org/les-centres-anti-douleur

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  3. Bonjour,

    On vient de me prescrire de la morphine et un laxatif fort.
    Je prenais ces temps-ci “optifibre”en poudre.Dois-je arrêter?

    D’autre part j’ai un problème de vessie hyperactive et ne peut pas boire plus d’1.5 l grand maximum plutôt un litre par jour en fait.

    Par avance, merci.

    Respectueusement.

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    1. Bonjour
      Je vous suggère de suivre la prescription de votre médecin et, le temps de la prise de morphine associée au laxatif, de stopper l’Optifibre qui contient des fibres alimentaires. Buvez et faites une activité physique dans la mesures de vos possibilités.
      J’espère que vous obtiendrez ainsi un soulagement avec le moins possible d’effets indésirables.

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      1. Merci beaucoup pour votre réponse.
        Ce que je ne comprends pas c’est que les fruits et légumes contiennent des fibres alimentaires et que vous conseillez d’en prendre avec la morphine.

        D’autre part, je voudrais savoir si on peut hélas s’accoutumer aux laxatifs forts(je prends de la morphine car cancer métastasé alors je crains bien d’en prendre longtemps)?

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        1. Les fruits et légumes contiennent des fibres alimentaires solubles et insolubles. Ainsi, une alimentation équilibrée apporte une quantité adéquate de fibres. Lors de prise d’opioïdes nous ne préconisons pas d’augmenter l’apport de fibres, autres que celle de l’alimentation associées à une hydratation correcte, au risque de provoquer une constipation opiniâtre.
          Votre question sur la tolérance (=accoutumance) aux laxatifs est une excellente question. Malheureusement les études publiées ne permettent pas d’y répondre clairement. Il semblerait que certains laxatifs seraient plus susceptibles d’engendrer une tolérance, mais ceci reste à être confirmé.

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  4. Bonjour Docteur,
    J’ai lu avec attention ce billet et je me demande si la constipation due aux opiacés peut être comparée à celle résultant de la prise d’antiparkinsoniens (pramipexole, levodopa, carbidopa, antacapone). J’utilise beaucoup de graines dans mon alimentation (courge, tournesol, sésame, lin et chia)déjà très riche en fruits et légumes. les deux dernières graines n’auraient elles pas le même effet inverse décrit dans le billet ?
    Merci d’avance pour votre réponse.

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    1. Valérie Piguet 27 août 2019 à 9 h 40 min

      Bonjour
      Les opioïdes provoquent une constipation en se fixant sur les récepteurs opioïdergiques présents dans le tube digestif, en quelque sorte ils « paralysent » le tube digestif. Ainsi pour ne pas aggraver la situation, il faut éviter tout complément alimentaire qui contient des fibres (lin et chia par exemple) qui augmentent le bol alimentaire sans renforcer les contractions du tube digestif.
      Certains antiparkinsoniens provoquent une constipation par leur effet anticholinergique. Cependant il ne faut pas oublier que la constipation est une complication fréquente de la maladie de Parkinson qui peut être alors aggravée par certains médicaments antiparkinsoniens.
      Lors de constipation induite par les médicaments, il est souvent nécessaire de prescrire un laxatif en plus d’une hygiène de vie adéquate.

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  5. Caroline Proust 30 juin 2019 à 15 h 44 min

    Bonjour et merci pour ce billet très intéressant. Si seulement les médecins étaient aussi clairs que celui-ci! Mon fils a eu un antalgique à base de poudre d’opium à prendre après opération des dents de sagesse, 6 gélules par jour…il a fait un début de fécalome…Inadmissible que le médecin ou le pharmacien n’ait pas prévenu!

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    1. Merci beaucoup pour votre commentaire

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  6. Bonjour Docteure,
    Je suis scotchée par ce billet de Marion Franzosi. Il touche un public très large. C’est du vrai enseignement et un beau partage. Le langage simple et le dessin fait à la main le rendent unique et digeste. J’ai senti le vrai art de transmettre. Chapeau !

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    1. Valérie Piguet 12 juin 2019 à 9 h 21 min

      Chère Madame
      Merci beaucoup pour votre commentaire élogieux. Il va faire très plaisir à Marion Franzosi pour qui c’était le premier pas dans la rédaction d’un billet.

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  7. Pour ma part jai pris des pruneaux d’Agen qui au delà d être totalement naturels ont la bonne propriété de laxatif

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    1. C’est vrai les pruneaux peuvent être une aide, mais chez beaucoup de patients recevant un opioïde leur effet n’est pas suffisant et un laxatif est nécessaire.

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  8. Bonsoir, je viens de tomber avec surprise sur votre article et heureusement. Je prends de la morphine, des antalgiques codeine et mon médecin ne m’a prescrit aucun laxatifs. Je me suis retrouvée bloquée deux jours sans pouvoir évacuer et en prime une douleur atroce. Je me suis débrouillée avec du microlax et du forlax non sans peine. Un jour de tranquillité et voilà que ça revient ! Je téléphone dès demain au médecin mais c’est inadmissible de ne pas m’avoir prescrit ces laxatifs. Je prends de la morphine depuis 5 jours et déjà dans cet état !! Merci pour votre article qui m’a aidée.

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    1. Oui moi aussi cela m’est arrivee au debut et la j´ai ete voir le pharmacien il m’a donne exactement ce que j’avais besoin
      Il m’a dit c’est toi qui fera le dosage n’en prends pas teop car cela aura lˋeffet contraire et oui je l’ai déjà expérimenté
      La meilleure solution va voir un bon pharmacien

      Un article super bien expliqué merci
      Ps je bois 3 litres d’eau par jour +-

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      1. Valérie Piguet 10 avril 2019 à 9 h 13 min

        C’est vrai qu’il faut bien s’hydrater lors de constipation et qu’un laxatif ne remplace pas l’hydratation. Cependant lors de certaines maladies, comme insuffisance cardiaque par exemple, il convient de limiter son apport de liquides. Parlez-en avec votre médecin.

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  9. Bonjour Docteur pour ma part la constipation c’est plus difficile avec les patchs de morphine que les gouttes ou comprimé et c’est plus facile à gérer.

    Salutations Guy Vouilloz

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    1. Valérie Piguet 27 mars 2018 à 13 h 25 min

      Cher Monsieur
      Je vous remercie de partager avec nous votre observation.

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    2. Il faut boire beaucoup d’ea et avec un laxatif c’est le secret

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